mercredi 7 avril 2010

Chemises grises et blanches

Curieuse chose que ces policiers en blanc ou en gris. Les uns ont le droit de contrôler la circulation, les autres non. La nuit tombée cependant, les hommes en gris deviennent des hommes en blanc et arrêtent eux aussi à coup de lampe torche et kalash’ en bandoulière (ils rappellent un peu nos soldats Vigipirate).

S’il y a bien quelque chose qui a changé à Maputo, ce sont les contrôles routiers. Sporadiques il y a dix ans, ils sont devenus la plaie de Maputo de nos jours. L’issue reste invariablement la même malgré tout.

C’était un jour de semaine, je dévalais l’une des principales artères de la ville en direction du littoral. L’avenue est bien connue, c’est la plus belle de Maputo et elle est investie par toutes les Ambassades et autres représentations en quête de prestige. Bien cachés derrière un flamboyant, les hommes en blanc scrutent la circulation à la jumelle, un groupe aux avant-postes et toute une délégation 300 mètres plus loin. Ils doivent être 15 au total. Le compteur de mon 4x4 indique 60km/h. L’agent déboule sur la route et me fait signe de me rabattre.
Garde à vous de rigueur, Madame l’agent me demande mes papiers.

« Boa tarde, vos papiers SVP »
« Boa tarde Madame l’agent, tenez »
« Vous avez été flashé à 68 km/h et la tolérance est à 55. Je vais vous donner une amende de 1000 meticais (environ 25 euros) »
« Ah bon ? Je suis désolé, j’ai du être distrait, et je suis vraiment ennuyé car je n’ai pas assez d’argent sur moi »
« Je vais être obligé de garder vos papiers jusqu'à ce que vous payiez l'amende. Sinon, vous trouvez pas qu'il fait chaud aujourd’hui ? Je préférerais boire un rafraîchissant plutôt qu’être ici »
« Ok, je vais voir ce que je peux faire »

Madame l’agent me rend mes papiers, et j’y glisse un billet de 100.
« 100 ? Vous voyez l’agent aux jumelles là-bas ? Il va falloir que j’aille lui parler pour qu’il efface les données de sa machine. Vous comprenez ? »
« Euh oui je vois, mais voyez, à l’époque, le refresco était à 50, je suis un peu désactualisé là. Combien ça coûte maintenant ? »
« Rajoutez 100 et on en parle plus »
« Ok, voilà pour vous, merci Madame l’agent, muito boa tarde para si »

Je pourrais m’arrêter à cette anecdote. Mais la Police a cela de surprenant qu’elle est surtout active la nuit. Telle la Chouette Hulotte, le Léopard ou le Vampire, la chemise blanche préfère la nuit. Ce qui m’amène a ma seconde rencontre du troisième type.

J’étais en chemin entre deux bars. A bord du Ranger : un pote rencontré à Maputo début 2000 et N. l’amie Moz revue en France l’été dernier. La patrouille nous fait signe de nous arrêter. Contrôle de routine. Papiers checkés, nous reprenons la route. Sur le chemin du retour, vers 2 heures du mat’ une nouvelle patrouille nous arrête.

« Boa Noite Senhor, vos papiers SVP »
« Boa noite Senhor Guarda, les voici »
« Avez-vous bu quelque chose ce-soir ? »
« Oui, un ou deux verres de vin pendant le dîner »
« Très bien, je vais vous faire souffler »

Aïe. J’avais du boire environ 8 bières. Même si le dîner avait été copieux, je n’étais probablement pas en état de souffler dans le ballon. D’autant plus gênant que c’était bien la première fois qu’on me demandait de souffler au Mozambique.
L’appareil ressemblait à tout sauf aux ballons bien de chez nous. Une petite machine de la taille des portables Motorola version 1996 avec un embout plastique interchangeable. L’agent ouvra soigneusement le petit blister en plastique contenant l’embout dans lequel j’allais souffler. J’étais penaut.

« Vous savez comment ça fonctionne ? »
« Euh non pas vraiment, j’imagine que je dois souffler dans l’embout c’est ça ? »
« Oui, c’est bien ça, vous soufflez jusqu’à ce que le signal sonore s’arrête »

(J’ai oublié de dire que mon amie N. plutôt avisée, m’avait filé un chewing gum à la menthe juste avant qu’on m’arrête.)

Premier essai, je souffle tout doucement. La machine renvoie un signal d’erreur.
« Vous devez souffler plus fort »
Deuxième essai, le chewing-gum quasi-collé à l’embout, je souffle un peu plus fort et la machine renvoie le bon signal.
« Si vous dépassez 0,28, vous êtes en infraction »

BIP...

BIP...

BIP...

La machine manifestement flouée, par le chewing-gum, ma corpulence ou mon repas copieux annonce 0,20.

« Voilà vos papiers, bonne soirée Monsieur, et ne buvez plus pour ce soir »

Plutôt soulagé (ça m’apprendra à conduire la nuit), je reprends la route. 1 km plus loin, nous dépassons un pick-up qui roule à 25km/h. Blindé de chemises grises, à l’arrière, le pick-up jauge les fêtards qui, sur la jetée, vident leurs glacières à côté de leurs discothèques roulantes, ou voitures à quéqués. Après avoir parcouru 2 km de plus, une voiture me fait des appels de phare, je ralentis. Le pick-up de la Police me dépasse et me demande de me rabattre.

L’agent armé de sa lampe torche me demande mes papiers.
« Boa noite Senhor Guarda »
« Boa noite Senhor. Les papiers du véhicule SVP »
« Les voilà Monsieur l’Agent, vous voyez, je n’ai pas eu le temps les ranger, on s’est fait contrôler il y a 5mn dans la Baixa »

Tour du véhicule, vérification des vignettes, checkup dans les règles de l’art, les clignos, les feux stop, l’usure des pneus, et mon pays d’origine sont passés au peigne fin. Mon pote assis à côté de moi doit montrer son passeport et son visa. Les chemises grises, même si elles commettent un abus de pouvoir, sont sur les dents.

« Vous pouvez repartir Monsieur »

Merci Monsieur l’agent, merci les chemises blanches et autres griseries de m’avoir fait découvrir ce que sont des contrôles répétitifs en série. Un vrai ressentiment d'atteinte à la liberté. Aussi, j'ai pris ma première Grande Résolution : c’est décidé, dorénavant ce sera le taxi, plus safe et bien moins contraignant !